Skunk Anansie, 12.02.96, Elysée Montmartre, Paris.
[Article Toxic Mag]
17h45. La porte de l'Elysée Montmartre s'ouvre à la volée. Je suis appuyé le dos au mur devant l'entrée, et comme le service d'ordre fait pas mal de va-et-vients, je ne fais pas trop attention. Grave erreur! Un éclair noir passe à 15cm de mon visage. Le temps de réagir et de comprendre, il est trop tard. C'était Skin! Elle s'engouffre dans le bus qui stationne devant la salle, elle n'en ressortira que peu avant l'ouverture des portes, caméscope au poing pour filmer toute la foule... J'espère bien y apparaître en bonne place d'ailleurs, vu que j'étais assez haut perché, tout contre la porte, bien en vue..
Mais peu importe.
Première partie sans surprises, on passe. Juste de quoi chauffer la salle qui en a vu d'autres, de toute manière. Vers 21h, ça y est! Ca commence! Ace, le guitariste chauve, Cass, le bassiste black aux longs cheveux tressés, Marc, le batteur fou, et Skin.. pantalon de cuir brillant très moulant, veste brillante qu'elle ne gardera que le temps d'un morceau, pas grand chose en dessous à part un petit body - comme sur l'album -, un texte noir tatoué sur le flanc - "All periods are shit"!
Et là... que dire? Les journalistes "professionnels" (mouais..) du NME et autres Melody Maker s'y sont cassés les dents avant moi: un concert de Skunk Anansie, c'est indescriptible! Je peux essayer, mais pfff...à quoi bon? Les premiers échos qu'on ait eu de ce groupe parlaient de gens "qui faisaient peur au public", emmenés par Skin, "croisement entre Grace Jones et Henry Rollins". Et autres comparaisons diverses, "Aretha Franklin croisée à Rage Against The Machine", etc. Quand il s'agit d'établir des comparaisons autant alléchantes qu'idiotes, certains journalistes sont imbattables.. Pour ma part je me contenterai de relater les faits: Skin bouge! Elle n'arrête pas. Jamais. Elle a la souplesse d'un chat sauvage, la grâce féline d'une panthère noire. Quand l'envie lui prend, elle grimpe sur la batterie de Marc - après lui avoir lancé un verre d'eau à la tête - et saute dans les airs pour retomber sur la scène avec un coup de batterie.
Deuxième ou troisième morceau, sans crier gare, elle se met à courir et saute dans le public avec une de ses têtes d'extraterrestre dont elle a le secret: yeux globuleux, sourire carnassier, regard de tueur..
Commentaire de ma voisine: "Putain mais elle est malade cette fille!" (...) Soit. Mais si il n'y avait que ça! Le jumping c'est pas nouveau. Même Björk en a déjà fait. (..et j'ai loupé ça en plus..)
Skin, elle, est plus allumée que ça: elle couvre de baisers la tête de Ace (comme il est chauve et que le rouge à lèvres de Skin - qui est d'ailleurs noir, pas rouge - ne tient pas trop, il se retrouve avec des dizaines de marques de lèvres sur son crâne), elle en profite pour lui fourrer carrément sa langue dans la bouche au passage, et comme il faut quand même qu'il joue, le pauvre, elle va continuer à faire ça sur les gens du premier rang (pas dans leur bouche, mais elle suce les doigts des adorateurs qui l'implorent, bras tendus vers elle, et elle réitère le coup du bloody kiss sur le front d'un fidèle).
Occasionnellement elle prête le micro à quelqu'un dans le public pour terminer un refrain ("...just a cliché!" rageur) et, c'est tout de même l'essentiel, interprète la majeure partie de l'album - plus 3 inédits impeccables ("You lucky people!") - aussi énergiquement que si c'était la première fois.
Bref, rien à dire.
Pensée coupable de ma part à la fin du premier rappel: tout y est passé, de Selling Jesus à I Can Dream, mais les Skunk semblent bouder ma petite favorite: la Skunk Song hallucinée du premier EP, difficilement trouvable de nos jours. Comme à St Malo à la Route Du Rock cette année, point de Skunk Song, me dis-je, quel dommage..
Deuxième grave erreur de la soirée!!
Car voici venir le second rappel. Pour dire les choses simplement, tout le concert, toute la hargne et la légère folie de ce groupe furent résumées dans ce dernier titre.
"Scene invasion!"
Et voilà que Skin prend les gens du premier rang par la main et les fait monter sur la scène de l'Elysée Montmartre malgré la barrière de sécurité! Et voilà qu'ils entament une Skunk Song encore plus chaotique que sur le EP! Et voilà que Skin replonge dans le public, micro à la main cette fois, tout en continuant à rugir! (je n'ose plus dire chanter) Et voilà que les spectateurs montés sur scène se prennent au jeu, deviennent des membres du groupe, vont embrasser à leur tour une Skin plutôt débraillée maintenant (elle a une culotte bleue, hum), essayent de jammer avec le guitariste, etc, dans un feu d'artifice de décibels et d'énergie...
Moi, pauvre habitué des concerts de Björk ou PJ Harvey - intenses également, mais nettement moins chaotiques -, je ne m'en suis toujours pas remis.